Magandang umaga la compagnie ! (*)
En plus de nous faire poireauter pendant 6 mois pour avoir un article, le mec commence ses écrits par des mots incompréhensibles … Et oui ! Mais attendez de voir les amis, tout s’explique !
Alors que j’étais pépouze, avec ma tinyhouse, à siroter des Kombuchas et autres boissons naturelles le long des routes du sud de la France à la rencontre des forces vives de ce pays, qui rappelons le s’emploient à esquisser un monde nouveau ci et là, une ancienne collègue et amie m’a contacté pour une mission pro un peu spéciale. Un truc qu’on n’a jamais fait, un truc mystérieux à l’autre bout du monde, un truc… bref, un challenge quoi ! Et bon, vous me connaissez : les challenges, c’est mon truc ! Rajoutez à ça le fait qu’on était à l’époque en tout début d’hiver, que j’ai une fâcheuse tendance à la dépression saisonnière et que le bout du monde en question est plutôt bien orienté niveau soleil : me voilà embarqué corps et âme !
C’est ainsi que, après deux semaines de formation sur Bordeaux, je me retrouve le 03 Janvier 2023 dans ce vol TK235 à destination de Manille, aux Philippines. (Avis aux « stalkers » : ne perdez pas d’énergie à vérifier le numéro du vol, je viens de l’inventer parce que je trouve que ça fait classe !). Bien entendu, je ne vais pas vous causer de ce que je suis venu foutre là-bas parce même la CIA ne le sait pas, mais après avoir reçu plusieurs demandes, je me suis dit qu’un petit billet sur cette aventure pouvait avoir de l’intérêt.
Je suis donc actuellement sur Luzon, la plus grande île des Philippines sur laquelle se trouve la capitale, Manille. Vous noterez que je précise le nom de l’île parce que ce pays en compte environ sept milles cent sept. Je dis « environ » parce que même les locaux ne sont pas trop d’accord visiblement ; et pour preuve, ils estiment à 2500 le nombre d’îles qui n’a même pas de nom … des gros cailloux immergés quoi! Bref, la prochaine fois qu’un type essaie de vous draguer en vous expliquant qu’il connait bien les Philippines parce qu’il y est allé trois semaines l’année dernière, vous saurez à quoi vous en tenir 😉
Passé ce point de géographie – je ne suis pas Google Maps non plus -, je voulais vous partager quelques mots sur ma vie ici.
Manille et Manille
Avec plus de 19 millions d’habitants et la plus grande densité de population du monde en son coeur, Metro-Manila est un sacré bordel ! Bordel dans le sens où tout semble très anarchique aux premiers abords pour l’occidental que je suis, et bordel parce qu’on m’a invité plusieurs fois à entrer dans des bars surnommés « Pussy Island » – (au cas où ma maman lise cet article, je vais m’abstenir de toute traduction littérale 😉). En définitive, ici cohabitent la richesse des cités occidentales – Uptown, BGC, Eastwood, … – dans lesquelles on se croirait vraiment aux Etats-Unis (si si, pour preuve, les légumes emballés dans du plastique !), les grattes ciels du quartier d’affaire de Makati, la vieille ville touristique – vestiges de l’époque coloniale Espagnole -, et puis le reste, la vraie vie des Philippins quoi, avec ses Jeepneys, ses tricycles, sa pollution, ses embouteillages, sa pauvreté et sa débrouillardise légendaire.
Vue sur Makati, le quartier d’affaire de Manille
American style shop
Le sujet des Jeepneys
En parlant de Jeepneys, prononcé « jipniz », et de manifestations parce que ça semble être bien d’actualité en France, il faut que je vous raconte !
D’abord c’est quoi une Jeepney ? C’est un véhicule de transports publics (mais privé!), made in Philippines, fabriqué à partir des centaines de Jeep vendues/données par l’armée américaine après la seconde guerre mondiale, qui ont été rallongée, dotée d’un moteur de récup Japonnais ou Nord-Coréen et … décorée. Et on ne déconne pas avec la décoration ici !


Quelques Jeepneys décorées (et pieuses!)
En gros, c’est un gros diesel qui put, ça fait un boucan incroyable – et ça, c’est fait exprès les amis, pour que les gens entendent le véhicule arriver des fois que le klaxon tuné et sur-utilisé ne suffirait pas ! -, sans parler de la sécurité des 15, parfois 20 passagers entassés dedans. Les conducteurs manquent de se cogner un passant ou un scooter à chaque fois qu’ils tournent la tête pour récupérer l’argent des passagers, et ils font régulièrement la course pour récupérer les clients avant leurs concurrents, mais … mais … c’est d’une utilité folle ici ! Parce qu’il y en a partout, que ça permet aux Philippins de faire des déplacements urbains ou inter-urbains facilement et pour pas cher (comptez 20 cts d’euros pour 5km).
Sauf que le gouvernement lui, ça le soule un peu de vivre au moyen âge : il aimerait remplacer tout ça par des minibus électriques, avec plus ceintures de sécurité et moins de fumées noires. Donc il a créé un plan, qu’on appelle « Jeepney Phase-Out », et il est en train d’expliquer aux conducteurs qu’il faut qu’ils investissent dans des véhicules à 2 millions de pesos (34 000 €) aux normes EURO-4, qu’on leur offrira généreusement une aide gouvernementale de 5% et un crédit sur à 6% sur 7 ans. Mais ce n’est pas tout, pour stopper l’anarchie des licences et des lignes, il prévoit un grand reset (complotiste!!!) cette année, c’est-à-dire que chaque conducteur qui veut continuer son activité avec son nouveau véhicule devra demander une licence, et fournir un « business plan » pour obtenir son crédit bancaire. Sans condescendance aucune, et à la vue du niveau d’éducation du pays et du fait que la plupart des conducteurs aient hérité par filiation de leur job/outil de travail, demander un business plan à un chauffeur de Jeepney c’est un peu comme demander à un caissier de prendre la direction de son hypermarché : ce n’est pas inné !
Alors certains y arriveront et en profiteront, les plus éduqués probablement, les plus fortunés sûrement, mais combien resteront sur le carreau ? Bref ça manifeste dur ici aussi, et c’est un bel exemple d’une situation politico-sociale inextricable, dans laquelle les deux camps ont de bons arguments mais ne se comprennent pas.
Les paysages… et le plastique
Qu’est-ce qu’on fait quand il fait grand soleil, 30°C à l’ombre, et qu’on a un week-end devant soi ? On va à la mer ou à la montagne pardi ! Pour avoir fait quelques excursions, je peux vous assurer qu’il y a de très beaux paysages par ici!
Mabini beach, Batangas
Hauteur de Tanay
Plage de Nasugbu, Batangas
Seulement voilà, dès que l’on sort des hôtels de bord de plage idylliques à touristes, on se frotte vite à un sacré problème : les déchets!
C’est simple, il y en a partout, jetés au sol, dans les rivières, dans les forêts, sur les plages ;on m’a même conté l’histoire d’un petit village de pêcheurs assez incroyable : le genre d’endroit où les gens vivent avec presque rien, reculés, et sans poubelles. Profitant de la marée montante et descendante journalière sous leurs maisons sur pilotis, les habitants jettent absolument tout directement dans l’eau, sous leurs pieds : et le lendemain, l’océan a joué le rôle d’éboueur. J’imagine que, par le passé, ces populations ne jetaient que ce qu’elles produisaient, donc pas de problème ; sauf que la mondialisation est passé par là, contaminant le moindre bout de terre. Et ces gens, bien que très pauvres financièrement, ont tout d’un coup eu accès aux gobelets en plastiques et aux paquets de chips Lays, sans pour autant changer leurs pratiques de gestion des déchets. Alors je ne saurais pas dire à quel point cet exemple est représentatif du monde dans lequel on vit, mais ça me fait me poser pas mal de questions sur la responsabilité du producteur du déchet en devenir et sur l’éducation qu’il faudrait prodiguer à ses consommateurs. Et ça ne marche pas comme ça, on le sait bien : on vend, on irradie le monde de notre production, et seulement après les populations et les gouvernements doivent se démerder à gérer les impacts… ou pas !
Les gens
Parce qu’on ne va pas non plus faire un billet plombant à tous les niveaux, je tiens à terminer sur une note positive. Et ce sera aux Philippins et Philippines qu’elle sera consacrée. Ici, le pays a une signature sonore importante certes, mais ce sont les machines qui hurlent: les gens eux ne lèvent jamais la voix, ne s’engueulent pas, ne crient pas. Toujours prêt à se couper en quatre pour rendre service, les habitants du coin où je vis (hors de la capitale) sont juste souriants et adorables. Timides aussi, face à la figure de « l’américain » que je représente. C’est parfois même déroutant d’ailleurs, ce profond respect pour l’homme blanc, et cette mode qui consiste à éviter de bronzer à tout prix pour paraitre le plus blanc et le plus riche possible. Alors que moi, je cherche l’inverse: bronzer … peut être pour paraitre moins favorisé?
Les fruits ici mériteraient tout un article: Buko juice for life
(*) Magandang umaga! : bon matin!